La Tanzanie souhaite améliorer la visibilité mondiale de ses scientifiques et la position de ses universités dans les classements internationaux.Crédit : Getty

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La Tanzanie souhaite améliorer la visibilité mondiale de ses scientifiques et la position de ses universités dans les classements internationaux.

Le gouvernement tanzanien a offert à des scientifiques 50 millions de shillings tanzaniens (environ 22 000 dollars américains) pour qu’ils publient leurs recherches dans une revue réputée. Les chercheurs avaient jusqu'à la fin du mois dernier pour se porter candidats.

Un total de 1 milliard de shillings (423 575 dollars) a été alloué chaque année à la Bourse d'Excellence en Recherche. Cela vise à encourager les publications des chercheurs tanzaniens dans "des revues de renommée internationale et les plus réputées", explique Maulilio Kipanyula, directeur de la science, de la technologie et de l'innovation au ministère tanzanien de l'Éducation, de la Science et de la Technologie, à Dar es Salaam.

Les chercheurs peuvent postuler à l'un des prix pour des publications en sciences naturelles, en mathématiques ou en médecine pour l’exercice budgétaire 2022-23. M. Kipanyula a déclaré à Nature que la Tanzanie suivait l'exemple de l'Afrique du Sud, de l'Irlande, de l'Australie et du Pakistan en offrant ainsi de l'argent pour les publications. Il y a trois ans, la Chine a mis fin à cette pratique après plusieurs décennies de rémunération des chercheurs pour leurs publications dans des revues réputées.

Paula Stephan, économiste à l'université d'État de Géorgie à Atlanta, qui étudie la manière dont les incitations monétaires affectent la publication, déclare que "ce n'est pas une surprise de voir que la Tanzanie a rejoint la liste des pays offrant de telles incitations au corps enseignant".

Pour être éligibles, les chercheurs devront avoir publié des articles dans les 10 % de revues les plus prestigieuses, en fonction de leur facteur d'impact dans les disciplines sélectionnées. Les articles peuvent être des recherches originales, des analyses de données secondaires, des revues systématiques ou des méta-analyses. "Cela améliorera le classement mondial des scientifiques et des établissements d'enseignement supérieur tanzaniens", ajoute M. Kipanyula.

Plus de 80 % des publications de recherche tanzaniennes sont le fruit de collaborations internationales, selon un rapport de 2019 commandé par le gouvernement britannique. Les lignes directrices du prix précisent que, dans de tels cas, un seul auteur éligible sera autorisé à soumettre une demande. S'il y a plus d'un auteur tanzanien, ils seront encouragés à partager le prix.

Certains ont salué ce programme comme une incitation indispensable pour les scientifiques à mener des recherches dans un pays aux ressources limitées, où la plupart des universitaires se concentrent sur l'enseignement et où le salaire mensuel moyen d'un professeur est d'environ 1 990 000 shillings, soit environ 844 dollars. Mais d'autres estiment que les fonds auraient pu être mieux utilisés.

La Tanzanie a consacré environ 0,5 % de son produit intérieur brut à la recherche et au développement en 2022. En outre, le pays dépend de l'aide étrangère pour plus de 50 % de ses dépenses nationales de recherche.

"Faire accepter une publication dans des revues à fort facteur d'impact demande beaucoup d'efforts", explique Frank Kagoro, épidémiologiste tanzanien et directeur régional pour l'Afrique du Global Health Network de l'Université d'Oxford, au Royaume-Uni. "Des initiatives de ce type peuvent encourager le développement scientifique, la rigueur et la concurrence, ce qui peut également servir de catalyseur pour aborder les problèmes locaux et améliorer la science et le développement", explique-t-il.

Toutefois, Haruna Kanaabi, chercheur dans le domaine des droits de l'homme à l'université Makerere de Kampala, en Ouganda, estime que les prix décernés pour des articles publiés dans des revues réputées sont plus susceptibles de récompenser des personnes dont la carrière est déjà bien établie, alors que le gouvernement tanzanien devrait encourager ceux qui en sont à un stade plus précoce de leur carrière. Célébrer ceux "qui ont réussi à se hisser au sommet est un beau geste, mais il est inaproprié", ajoute-t-il.

Aneth David, microbiologiste à l'université de Dar es Salaam, partage cet avis. Elle ajoute que le gouvernement doit alléger la bureaucratie institutionnelle et donner aux chercheurs tanzaniens une plus grande liberté dans le choix de leurs domaines d'étude.

"Ce n'est un secret pour personne que les lois et les réglementations relatives à la recherche et à la communication scientifique sont devenues plus strictes au cours des dernières années et ont étouffé la liberté académique", déclare-t-elle.

"Il n'y aura pas d'articles de qualité dans les revues à fort impact si les scientifiques ne sont pas libres de choisir ce qu'ils étudient et de le faire sur la base de principes scientifiques, et non de caprices de politiciens", ajoute-t-elle. "Un mécanisme de financement interne durable permettrait aux chercheurs de suivre leur curiosité, de générer des connaissances et, enfin, de publier."

Selon Mme Stephan, l'initiative semble différer de celles d'autres pays en ce sens qu'elle exige que les publications portent sur des domaines de recherche nationaux stipulés par des agences du secteur public telles que la Commission Tanzanienne pour la Science et la Technologie. Cela soulève des questions telles que "dans quelle mesure les revues à fort impact seront-elles intéressées par la publication de recherches dans les domaines de recherche nationaux [de la Tanzanie]".