Un technicien utilise une pipette multicanaux pour distribuer du matériel lors d'un test de neutralisation de l'anticorps COVID-19 dans un laboratoire de l'African Health Research Institute (AHRI) à Durban, en Afrique du Sud.Crédit: Waldo Swiegers/Bloomberg via Getty Images

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Dans le podcast de Nature Careers et Nature Africa intitulé "Science in Africa, Lessons from the Past, Hopes for the Future," l'éminent virologue et ancien président de l'Académie des sciences du Nigéria, Oyewale Tomori, affirme qu'à certains égards, le financement de la science en Afrique était plus sûr sous la domination coloniale européenne qu'aujourd'hui. Il affirme qu'à l'exception du Sénégal (Institut Pasteur), du Kenya (Wellcome Trust), de la Gambie (Conseil britannique de la recherche médicale) et des efforts déployés en Afrique du Sud, le reste du continent au sud du Sahel peut être considéré comme un "désert" de recherche, en raison du manque de soutien gouvernemental à la science depuis les années 1960. Il appelle les gouvernements africains à réinvestir dans leur avenir scientifique.

Ce n'est pas un reflet tout à fait exact de la situation, car il existe désormais de nombreuses initiatives dirigées et financées par des Africains, qui visent à améliorer la formation et l'accès au financement. Par exemple, le Fonds d'excellence pour la recherche en Afrique (AREF) est actif sur tout le continent et offre des possibilités de formation à la recherche qui permettent aux chercheurs africains d'être compétitifs au niveau international. Le Partenariat entre les Pays Européens et les pays en Développement sur les Essais Cliniques (EDCTP), une collaboration entre l'Union européenne et les pays d'Afrique subsaharienne, qui se concentre sur la recherche clinique sur les maladies infectieuses, et d’une grande importance pour la santé publique en Afrique, a fourni 814,30 millions d'euros pour la recherche et le développement au cours de la période 2016-2021. Cela a permis de financer 431 études cliniques, 90 projets de capacité de recherche clinique et 201 bourses de formation. La plupart des recherches parrainées par l'EDCTP sont dirigées par des scientifiques africains et même lorsqu'elles sont dirigées par des Européens, la participation d'organisations et de chercheurs africains est obligatoire.

Le Wellcome Trust a soutenu et encouragé la recherche menée par des chercheurs en Afrique tout au long de la période postcoloniale. Au cours des 30 dernières années, il a créé plusieurs centres de recherche réputés, tels que l'initiative KEMRI-Wellcome Trust (KWTRP) au Kenya, l'institut de recherche clinique KWTRP-Mbale dans l'est de l'Ouganda et le programme Malawi-Liverpool-Wellcome Trust, tous axés sur les maladies importantes en Afrique et ayant pour mission de former la prochaine génération de scientifiques africains.

L'Alliance pour l'Accélération de l'Excellence Scientifique en Afrique (AESA) a été créée par une directive des gouvernements membres de l'Union africaine (UA) afin de catalyser le financement à long terme, le soutien et la promotion de la recherche et de l'innovation en Afrique. Sa mission est de "déplacer le centre de gravité de la science africaine vers l'Afrique".

L'AESA travaille également avec des partenaires tels que le Wellcome Trust et la Fondation Bill et Melinda Gates pour renforcer les capacités scientifiques et créer des environnements de recherche favorables, non seulement pour arrêter la fuite des cerveaux d’Afrique, mais aussi pour l'inverser. L'avenir nous dira si ces efforts sont couronnés de succès. En outre, les stratégies de l'UA portent également leurs fruits à travers le continent via la création de ministères nationaux de la science et de la technologie; cela représente un changement de paradigme notable, de la dépendance à la promotion des efforts de recherche locaux .

L'impact sur la formation à la recherche en Afrique des entreprises de financement conjoint ne doit pas être sous-estimé. Parmi les exemples, citons les initiatives du British Council, du Newton Fund, de l'ambassade d'Irlande, les bourses Fulbright et les bourses allemandes (DAAD). Des agences internationales, telles que le programme Norvégien de Développement des Capacités dans l'Enseignement Supérieur et la Recherche pour le développement (NORHED), ont mis en place des programmes similaires avec un impact critique important, même dans des pays déchirés par la guerre, comme le Sud-Soudan. En outre, l'OMS/TDR, les CDC africains, le Medical Research Council et les NIH ont tous contribué au renforcement des capacités en Afrique.

La pandémie actuelle de COVID-19 a favorisé le renforcement par les gouvernements africains des capacités de recherche. En Ouganda, par exemple, un soutien financier gouvernemental de l'ordre de 31 milliards d'UGX (équivalent à 8,8 millions d'USD) a été consacré à l'octroi de subventions à des chercheurs nationaux qui ont finalement mis au point des Epi-Tentes (tentes-hôpitaux mobiles), des kits de diagnostic rapide, du COVIDEX (remède à base de plantes pour le COVID-19), des systèmes de notification de la maladie, des études épidémiologiques sur le COVID-19 et une initiative nationale de développement d'un vaccin. Au Sénégal, les tests de diagnostic rapide et les thérapies ont été mis au point avec le soutien des autorités locales. Ce sont là des exemples de gouvernements africains qui permettent à la science africaine de répondre aux situations locales en trouvant des solutions locales, en utilisant les ressources disponibles localement.

Par ailleurs, le gouvernement du Malawi a annoncé son plan stratégique de santé numérique 2020-2025, une autre directive clairvoyante lancée à l'ère du COVID-19. Ce plan permet aux citoyens d'accéder aux soins de santé grâce à la technologie des smartphones. Tout en améliorant l'éducation sanitaire du public, en fournissant un mécanisme de consultations médicales et de télésurveillance dans les régions du pays qui n'ont pas ou peu de médecins, cette initiative facilite également la recherche en épidémiologie et la prévention des maladies. Des stratégies de télésurveillance similaires ont été adoptées avec succès par les gouvernements de Namibie et d'Afrique du Sud.

La recherche dans les divers pays africains en est à des stades de développement différents, mais cela ne signifie pas que les possibilités actuelles sont pires que celles des années 1960. Nous demandons instamment aux organismes internationaux d'octroi de subventions de reconnaître que les capacités de recherche nécessaires en Afrique sont mieux identifiées par les scientifiques et les gouvernements africains et que les financements ne sont pas octroyées sans consultation. Les initiatives panafricaines lancées par l'Union africaine permettent à chaque pays d'agir en fonction de ses forces en reconnaissant que les programmes nationaux et les objectifs de développement à long terme varient.

Il est essentiel que les futures améliorations de l'infrastructure numérique sur le continent facilitent une plus grande collaboration et permettent une recherche plus équitable. Les gouvernements africains devraient maintenant donner la priorité aux domaines identifiés par leurs conseillers scientifiques comme étant les plus nécessaires pour permettre au continent de rivaliser sur un pied d'égalité avec le reste du monde, notamment en ce qui concerne le déploiement des futures capacités d'infrastructure numérique.