L'intérieur du tunnel de service de North Bore.Crédit : Richard Newman

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En 2013, alors qu'il traversait le tunnel Huguenot près du Cap, le physicien nucléaire Shaun Wyngaardt a eu l'idée de construire un laboratoire de physique souterrain à côté du tunnel existant. Sous 800 mètres de roche formant la montagne Du Toitskloof, il ne s'agirait pas du laboratoire souterrain le plus profond ou le plus grand du monde, mais il offrirait aux chercheurs en physique d'Afrique australe la possibilité de participer à la recherche mondiale de la matière noire.

Plus d'une décennie plus tard, le projet Paarl Africa Underground Laboratory (PAUL) a été lancé. Il s'agira du premier laboratoire souterrain dédié et permanent en Afrique, et seulement le deuxième dans l'hémisphère sud après le laboratoire souterrain de physique de Stawell en Australie.

Au présent, une douzaine de ces laboratoires souterrains en Asie, en Europe et en Amérique du Nord sont utilisés pour observer et étudier les rares interactions entre les neutrinos et les particules de matière noire encore inconnues avec la matière ordinaire. Les neutrinos – aussi appelés particules "fantômes" - sont des particules subatomiques extrêmement légères qui n'émettent, n'absorbent ou ne réfléchissent pas la lumière et sont donc extrêmement difficiles à observer.

Wyngaardt, qui dirige aujourd'hui le département de physique à l'université de Stellenbosch, a dû convaincre ses collègues physiciens de s’'intérêt au tunnel plutôt que d'utiliser l'une des mines d'or très profondes d'Afrique du Sud. C'est en 1965, dans l'une de ces mines, à trois kilomètres de profondeur, que les physiciens Friedel Sellschop et Frederick Reines ont observé pour la première fois au monde un neutrino cosmique naturel.Le nouveau laboratoire bénéficie du soutien de Faïrouz Malek, chercheur en physique des hautes énergies au Grand collisionneur de hadrons du CERN et directrice de recherche à l'Institut national de physique nucléaire et de physique des particules du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Elle affirme qu'il existe des signaux provenant de l'univers que l'on peut détecter en effectuant des recherches ‘sur table’, c'est-à-dire des expériences plus petites et moins coûteuses, qui ne sont pas menées dans l'espace ou dans de grands observatoires sur terre.

"La grandeurde l'expérience ne dit rien de son potentiel scientifique", reconnaît Jochen Schieck, directeur de l'Institut de physique des hautes énergies de l'Académie autrichienne des sciences. "Certaines questions ne peuvent être abordées qu'avec de grandes expériences, d'autres avec des installations ‘de table’ qu’on trouve dans un bureau A la fin , il faut rassembler l’ éléments de toutes les expériences pour résoudre les énigmes de l'univers."

Selon M. Malek, les physiciens africains doivent se dévouer d’avantage à ce sujet et améliorer la coopération avec la communauté mondiale des scientifiques, des ingénieurs, des techniciens, des agences de financement et des fonctionnaires et politiciens.

En 2019, Malek et la physicienne Ketevi Assamagan ont fondé la Stratégie africaine pour la physique fondamentale et appliquée (ASFAP). L'objectif principal est d'établir une culture scientifique de coopération internationale, entre les pays africains et avec la communauté internationale.

La même année, Malek a rédigé une lettre de protestation déplorant l'absence de l'Afrique dans les grandes discussions stratégiques sur la recherche et la vision stratégique en physique des particules. Cosignée par Assamagan et publiée dans la Lettre d'information sur la physique africaine, cette lettre mettait l'accent sur les avantages qui découleraient de la participation de l'Afrique à ces discussions. Malek a saisi l'occasion de rencontrer Wyngaardt et son collègue physicien Richard Newman à l'université de Stellenbosch lorsqu'elle a appris de leurs préparations pour une installation souterraine pour les neutrinos dans le tunnel Huguenot.

En 2022, le plan de l'ASFAP a commencé à montrer les signes de succès. Le ministère sud-africain de la science et de l'innovation (DSI) a fourni un financement de base aux scientifiques et ingénieurs pour examiner la réalisation de ce programme , avec le soutien supplémentaire de l'université de Stellenbosch.

Au présent on attend les résultats de ces'études avant de réunir tous les acteurs autour de la table, y compris le ministère sud-africain des transports et la ‘South African National Road Agency Limited’ (SANRAL).

La SANRAL prévoit améliorer un tunnel de service au nord du tunnel Huguenot au cours des cinq à dix prochaines années afin d’éviter les embouteillages et le laboratoire souterrain pourrait être établi en même temps.