L’Afrique a déposé moins de 2% des séquences du SARS-COV-2 dans le Initiative mondiale sur le partage des données relatives à la grippe aviaire (GISAID). Alors que la majorité des pays africains ont généré peu de séquences (moins de 500), l’Afrique du sud a déposé plus de 40% de toutes les données générées en Afrique. Crédit: Teibo J.O. et al.

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Les maladies ont un impact sur nos vies aujourd'hui, car elles représentent un fardeau social, économique et financier pour les populations. Les effets retentissants de ces fardeaux ont galvanisé les efforts mondiaux de lutte contre les maladies, bien que de manière inégale. L'Afrique a été laissée de côté, la plupart des décisions/actions concernant la production de vaccins et de médicaments étant prises aux États-Unis, en Europe et en Asie (S. Dalal et al. International Journal of Epidemiology 40, 885-901 ; 2011).

Mais pourquoi cela est-il important, si les remèdes actuels pour ces maladies sont efficaces pour presque toutes les populations du monde ? En 2020, la population mondiale est estimée à environ 7,76 milliards d’habitants2. 17 % (1,3 milliard) de la population mondiale vit en Afrique, ce qui la place au deuxième rang après l'Asie (61). L'Afrique devrait également connaître la plus forte croissance démographique au niveau mondial, avec un doublement de la population d'ici à 20502 (Nations unies, 2020 https://www.un.org/en/global-issues/population). Des recherches3 (S. A. Tishkoff et al. Science 324, 1035-1044 ; 2009) indiquent que les Africains ont la génétique de population la plus diversifiée ; pourtant, seule une petite proportion des données génomiques africaines est disponible pour informer les structures mondiales de prévention des maladies (A. Wonkam Nature 590, 209-211 ; 2021)4.

Les tests, pronostics et diagnostics génétiques, l'imagerie moléculaire, le score de risque polygénique (SRP), les « big data », l'intelligence artificielle et l'apprentissage automatique rapprochent la médecine d’une médecine personnalisée et de précision . Les tests génétiques sont courants pour le dépistage prénatal non invasif, le diagnostic de la mucoviscidose et les tests génomiques pour les maladies infectieuses. Le SRP, qui exploite la puissance de la génomique, est utile pour prédire la susceptibilité d'une personne au cancer, au diabète, aux maladies neurodégénératives et cardiovasculaires, entre autres. Cela signifie que les données génomiques sont devenues beaucoup plus importantes pour la plupart des stratégies de prévention des maladies. Le manque de données génomiques suffisantes pour un fort pouvoir prédictif est un inconvénient majeur à l'application du SRP dans la population africaine. La génomique africaine devrait être considérée comme une priorité pour l'équité de la recherche médicale dans le cadre des efforts mondiaux visant à lutter contre les maladies. Sans cela, les implications pour la santé mondiale sont graves.

La prochaine évolution des données génomiques est encodée en Afrique, attendant d'être exploitée et utilisée pour révéler des traits cachés, afin de soulager les maladies qui continuent de peser sur la santé mondiale. Un modèle pour cela a été récemment rapporté (S. Fatumo et al. Nature 54 531-536 ; 20225). Ce projet visant à garantir l'équité des données génomiques utilisées en médecine de précision examinera le risque de 100 000 adultes nigérians de contracter des maladies non transmissibles (cancer, troubles neurodégénératifs, diabète, etc.). Un autre développement majeur est la subvention de 46 millions de dollars du NIH pour l'étude génétique de la maladie d'Alzheimer qui impliquera l'étude génétique de 5 000 Africains et 4 000 Afro-Américains, entre autres.

Les chercheurs africains ont les connaissances nécessaires pour cette révolution génomique, mais ce qui manque c’est plutôt l'infrastructure, les politiques favorables, les efforts de collaboration et de financement. Le manque de financement adéquat constitue une limitation majeure pour les chercheurs en génomique du continent. Un engagement accru en termes de financement et de subventions de recherche de la part des gouvernements, des entreprises privées et des particuliers en Afrique permettra à davantage de chercheurs de contribuer à leur quota, garantissant ainsi des données génomiques équitables.

Nous pouvons nous inspirer de l'expérience de COVID-19 pour comprendre comment une maladie peut naître dans une communauté locale et avoir un impact mondial notable. La représentation équitable de toutes les populations humaines dans les études génomiques permettra de mieux comprendre la charge de morbidité, au bénéfice de toutes les populations du monde. Combler le fossé génomique en Afrique par une approche multidisciplinaire permettrait d'améliorer les capacités de recherche grâce à un financement adéquat et à des collaborations avec les parties prenantes dans le domaine de la génomique et de la médecine translationnelle.