
L'unité de recherche médicale du Kenya héberge le registre du cancer de Nairobi. Crédit : Geoffrey Kamadi
Une étude du Lancet Oncology a montré une augmentation de la mortalité par cancer, mais les chercheurs craignent qu'en raison de l'accent mis sur les maladies infectieuses, on ne connaisse pas encore toute l'ampleur du problème du cancer en Afrique subsaharienne.
"Sans une intervention rapide, les estimations prévoient une augmentation majeure de la mortalité par cancer, qui passera de 520 348 en 2020 à environ 1 million de décès par an d'ici 2030", indique l'étude.
Elle cite un rapport du Centre International de Recherche sur le cancer (CIRC) montrant que près de 500 000 personnes en Afrique mourraient du cancer en 2018, avec une augmentation prévue à 1 000 000 décès d'ici 2040. Sans intervention, ces chiffres pourraient encore doubler, selon l'étude.
"La clé de la lutte contre le cancer dans la région est la disponibilité et l'accès à des données fiables et de qualité, essentielles à la surveillance des cas", explique Ann Korir, maitre de recherche à l'Institut de recherche médicale du Kenya (KEMRI) et responsable du registre du cancer de Nairobi.
De nombreux pays africains ne disposent pas de registres du cancer, de sorte qu'il est difficile d'obtenir des informations précises et opportunes sur l'incidence, le traitement et les taux de survie.
Les données des registres du cancer contribuent à l'élaboration de stratégies de prévention, à l'allocation de ressources pour le traitement et à la compréhension des facteurs évitables. Elles aident également à comprendre les comportements à risque et à concevoir des programmes éducatifs de sensibilisation.
Donna Patterson, présidente du département de l'université d'État du Delaware, explique que le manque d'installations de dépistage et de traitement du cancer et l'obsolescence des technologies sont les principaux facteurs contribuant aux mauvais résultats en matière de santé.
Selon M. Korir, le financement reste le principal obstacle à la création de registres du cancer. "Les pays dépendent des subventions des donateurs pour mener à bien leur programme national de lutte contre le cancer, ce qui n'est pas viable", dit-elle.
Même si les registres du cancer ne sont pas coûteux à mettre en place, ils ne sont pas considérés comme une priorité car ils n'ont pas d'impact immédiat sur la maladie.
Toutefois, des initiatives en cours devraient permettre de relever ces défis. L'un de ces efforts, dévoilé à la fin de l'année dernière, est la création de trois centres de collaboration. Cette initiative est soutenue par la Bloomberg Philanthropies Data for Health Initiative. Dans le cadre des efforts conjoints du CIRC, de l'Initiative Mondiale pour le Développement des Registres du Cancer (GICR) et du Réseau Africain des Registres du Cancer, les centres renforceront la capacité d'enregistrement du cancer dans la région. L'un des centres est basé au Registre du Cancer d'Abidjan, au Centre Hospitalier Universitaire de Treichville, à Abidjan. Il offrira une formation à la collecte et à l'analyse des données dans les pays d'Afrique francophone, en plus d'aider à l'utilisation d'un logiciel du CIRC connu sous le nom de CanReg5. Ce logiciel est utilisé pour saisir, stocker, vérifier et analyser les données des registres du cancer récoltées auprès de la population.
Le second centre est basé au Registre National du Cancer d'Afrique du Sud, dans le Laboratoire National de la Santé, à Johannesburg. Il apportera son soutien aux registres du cancer basés sur la population du continent pour le couplage des dossiers et l'enregistrement des cancers de l'enfant.
Le troisième, à la Division de la Santé de la Population et de la Surveillance, au Registre du Cancer de Nairobi de l'Institut de recherche médicale du Kenya (KEMRI), à Nairobi, aura un rôle similaire à celui du centre d'Abidjan mais répondra aux besoins des pays africains anglophones.
À un autre niveau, le Consortium Africain et Caribéen sur le Cancer (AC3) a également été lancé à la fin de l'année dernière à Nairobi. Il contribuera à promouvoir les études sur le cancer dans les populations d'origine africaine, en réunissant des collaborateurs de sept pays africains, des États-Unis et des Caraïbes.
Les pays Africains devraient bénéficier du programme américain Cancer Moonshot. Lors du Sommet des Dirigeants Africains organisé par le gouvernement américain, la Maison Blanche a promis 200 millions de dollars pour aider à lutter contre le cancer sur le continent, en plus des investisseurs privés américains qui ont promis 130 millions de dollars pour développer le partenariat Botswana-Rutgers pour la santé.