
Crédit Maina
Un rapport des Nations unies prévoit que le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus en Afrique sera multiplié par plus de trois, passant de 69 millions à 226 millions entre 2017 et 2050, ce qui augmentera l'incidence des troubles neurologiques associés au vieillissement. Pourtant, les gouvernements du continent continuent de privilégier la recherche sur les maladies infectieuses au détriment des autres domaines de la santé.
Selon une étude récente parue dans Nature Communications, si des recherches en neurosciences sont menées dans toute l'Afrique, seuls cinq pays (l'Égypte, l'Afrique du Sud, le Nigeria, le Maroc et la Tunisie) comptent pour plus de trois articles sur quatre publiés sur le continent.
Dans plus de la moitié des pays africains, l'étude a montré que moins de dix articles en neurosciences ont été publiés depuis 1996. Même si la situation s'améliore et que le nombre de publications en neurosciences en provenance d'Afrique n'a jamais été aussi élevé, il existe un certain nombre de goulets d'étranglement fondamentaux qui pourraient continuer à limiter les contributions du continent au paysage mondial de la recherche en neurosciences.
L'auteur principal de l'article, Mahmoud Bukar Maina, est un neuroscientifique et chercheur nigérian. Dans une interview accordée à Nature Africa, Maina a évoqué l'état de la recherche en neurosciences, et de la science en général, en Afrique. Chargé de recherche à l'université du Sussex, au Royaume-Uni, M. Maina a déclaré que la recherche en neurosciences est largement déterminée par les priorités locales et qu'en Afrique, elle est limitée par les écarts existants entre les chercheurs en neurosciences fondamentales et les chercheurs en neurosciences cliniques.
"Les neurosciences hors d'Afrique sont multidirectionnelles. Il existe une neuroscience liée à la maladie, une autre liée à la compréhension du fonctionnement du cerveau et à la tentative d'utiliser cette compréhension pour produire des machines ou des technologies utiles pour la médecine", a-t-il déclaré. Selon M. Maina, la structure actuelle des neurosciences en Afrique fait qu'il est difficile que les découvertes aboutissent à des avancées pertinentes au niveau mondial, même si des neuroscientifiques sont répartis sur tout le continent. Il a décrit le manque de sensibilisation aux développements et aux domaines de pointes en neurosciences comme une limitation majeure des contributions du continent.
Attirer l'attention sur les neurosciences en Afrique
M. Maina explique que la connaissance des capacités de l'Afrique en matière de neurosciences est un point de référence crucial pour permettre une structuration adéquate sur le continent. Toutefois, la recherche par mot clés dans les bases de données, de publications en neurosciences axées sur l'Afrique peut être trompeuse. M. Maina explique que plusieurs études axées sur l'Afrique ont été réalisées par des scientifiques d'institutions étrangères qui n'ont collecté que des échantillons du continent, lesquels ont ensuite été traités et analysés dans des laboratoires sophistiqués hors d'Afrique.
Maina observe que le continent contribue largement à la connaissance mondiale de plusieurs maladies infectieuses, dont le COVID-19, Ebola, le VIH/sida, la tuberculose et plusieurs autres. « l’intérêt pour les maladies infectieuses va de soi. Les gens pensent que leur étude est très pertinente. Mais ils ne semblent pas voir la pertinence des neurosciences. Pour cette raison, les laboratoires Africains qui font de la recherche neurologique ne reçoivent pas autant d'attention et de financement que ceux qui font de la recherche sur les maladies infectieuses ou le paludisme", a-t-il déclaré à Nature Africa. Il a décrit cette situation comme un problème de sensibilisation, étant donné qu'un certain nombre de maladies neurodégénératives deviennent de plus en plus un fardeau important pour le secteur de la santé en Afrique. Sur les liens entre les maladies infectieuses et les troubles neurologiques avec des pathologies telles que la méningite cérébrale et la démence liée au VIH, "La maladie d'Alzheimer et toutes les autres formes de démence sont en augmentation en Afrique. En outre, le fardeau des maladies neurologiques en Afrique est considérablement élevé par rapport à de nombreux pays qui s'en sortent mieux", a-t-il ajouté.
Pour M. Maina, les neurosciences en Afrique présentent de nombreuses forces et faiblesses. L'une de ces forces est l'augmentation de la population des neuroscientifiques. Mais il y a aussi un manque d'infrastructures, une sous-utilisation de bons systèmes modèles et une pénurie de fonds de recherche. "Cette compréhension devrait aider les sociétés des différents pays à plaider pour un soutien accru à la recherche en neurosciences dans leur pays. Les bailleurs de fonds peuvent maintenant voir quels sont les principaux domaines sur lesquels ils doivent se concentrer", a-t-il ajouté.
Pas seulement les neurosciences
La Société des neuroscientifiques d'Afrique a été enregistrée en 1993 et, selon son annuaire des membres, elle compte 49 membres réguliers pour tout le continent.
Mais les neurosciences ne sont pas le seul aspect de la science qui nécessite une attention urgente.
Selon M. Maina, le continent a également besoin d'experts dans d'autres domaines scientifiques, notamment les maladies infectieuses, auxquelles les gouvernements africains doivent accorder la priorité. "Il y en a plus dans ces domaines, mais ils ne sont pas encore suffisants", a-t-il déclaré à Nature Africa.
"La recherche en neurosciences est multidisciplinaire et implique d'autres scientifiques, notamment des biochimistes, des psychologues, des anatomistes et des cliniciens. De ce point de vue, Le manque d'infrastructures de laboratoire n'est pas spécifique à une seule discipline ; la majorité des bioscientifiques en Afrique ne disposent pas des infrastructures requises. La question du financement s'applique également à eux", a-t-il conclu.